Il est des livres qui nous choisissent plutôt que nous les choisissons. Ils errent des mois sur l'étagère, intouchés, et puis soudain, est-ce leur titre ? leur auteur ? leur couverture ? l'adéquation parfaite entre l'épaisseur de leurs pages et la taille de leurs caractères, la discrète rugosité de l'encre, un écho familier ? Soudain c'est le moment de les lire. Je m'étais procuré L'archipel d'une autre vie en octobre ou en novembre, séduite par le nom de Makine, un premier amour romanesque : j'avais lu Le testament français à 17 ans, et si je serais incapable d'évoquer l'histoire, je me rappelle encore les steppes, la taïga, l'impression d'un ciel rose sur la neige. C'est la semaine dernière qu'il m'a rappelée. Dans l'Archipel d'une autre vie , on retrouve des thèmes que j'avais déjà abordés ici : le récit enchâssé, la question du sauvage. Le pitch est très simple : un soldat de l'URSS poursuit un fug
Faire passer des oraux du bac de français, c'est avoir la chance de découvrir de nouvelles perles. Cette année, quelques élèves - habituellement peu à l'aise avec la lecture - m'ont parlé avec émotion du roman de Philippe Claudel, La petite fille de Monsieur Linh . Leur enthousiasme était contagieux. J'ai profité d'une heure de train pour me faire ma propre idée sur le roman. On y rencontre Monsieur Linh, vieil homme descendant du bateau qui lui a permis de fuir la guerre dans son pays natal, qu'on devine être le Viêtnam. Son fils et sa belle-fille sont morts lors d'un bombardement, et n'a survécu que sa petite fille, Sang Diû, un nourisson, retrouvé dans la rizière dévastée auprès de sa poupée. Monsieur Linh erre entre le foyer et le pâté de maisons voisin, prenant soin de Sang Diû, se fait un ami, Monsieur Bark, alors même qu'ils ne parlent pas la même langue. Le roman raconte ainsi l'errance de Monsieur Linh et de Sang Diû dans ce pays fro